Une histoire de famille

La toile de Jouy : une histoire de famille. Une toile intemporelle, classique, un peu désuète : indémodable.
La toile de Jouy est restée fidèle à sa trame initiale et pourtant elle est devenue un classique de la décoration.
L’histoire de famille se niche au fond du grenier de « Mamie » enfouie dans de vieilles malles et valises, un trésor plus que centenaire. Telle une petite fille j’ai découvert sous la poussière et les toiles d’araignées, précieusement conservés, quelques mètres de toile de Jouy. Vestige d’un passé bourgeois, cette toile de Jouy était fanée, usée, passée mais d’une telle beauté.
Ne pas perdre ce patrimoine familial, redonner vie à cet héritage : il aura fallu quelques mois pour oser. Oser découper, transformer, coudre, rembourrer et réaliser mes premiers chats.
Petit à petit, la création et des tissus neufs ont donnés naissances aux chats : les Debouts suivis des Couchés. Les poupées n’y ont pas échappé : les voilà elles aussi parées de toile de Jouy.

Un peu d’Histoire

Mais connaissez vous l’histoire de cette toile de Jouy ? L’histoire de ce fleuron de l’industrie textile française ?
L’histoire de la Toile de Jouy est intimement liée à l’Histoire de France. C’est au milieu du XVIII siècle qu’elle prit naissance.
Et pourtant, cette toile de Jouy a failli ne jamais exister…
En effet, à l’époque le succès va aux « indiennes ». Les « indiennes », ce sont des étoffes de coton orientales aux couleurs très vives et aux motifs fleuris. Elles sont imprimées à la main ou au tampon de bois gravé, importées en Europe deux siècles plus tôt.
Avec l’intensification du commerce entre Orient et Occident, elles se répandent en Europe et en France. Et le succès des « indiennes » est tel que Louis XIV décide de protéger les drapiers français. Il interdit l’importation et la confection de ces tissus dans le royaume.

La manufacture

En 1759 cette interdiction est levée. La réouverture du marché des « indiennes », permet ainsi l’installation d’étrangers possédants un savoir-faire en la matière.
C’est ainsi qu’un jeune allemand, Christophe Philippe Oberkampf, arrive en France
En 1760, il décide de fonder sa propre manufacture de toiles imprimées à Jouy-en-Josas.
Toile de Jouy, Jouy en Josas, et voilà pourquoi cette étoffe s’appelle toile de Jouy.

Jouy-en Josas est idéalement situé : proche de Versailles (et de la cour du Roi) mais aussi en bord de la rivière Bièvre. Ces eaux ont les qualités chimiques propices au lavage des toiles.
Les nobles s’entichent de cette toile raffinée. La manufacture accueillera ainsi Marie-Antoinette et ses enfants. Forte de sa réussite, la fabrique sera nommée « manufacture royale » par Louis XVI.

Au début de la révolution industrielle (1805), la qualité des tissus et la créativité de ses motifs apportent le succès de la manufacture. L’entreprise d’Oberkampf devient la troisième manufacture la plus importante de France, employant près de 1 300 ouvriers.

L’impression et les imprimés

La production des tissus est mécanisée. Au départ, les toiles étaient imprimées à l’aide de planches en bois gravées. Le neveu d’Oberkampf invente la machine à graver les cylindres de cuivre. Ils serviront à l’impression du motif sur la toile.
Cette invention sera décisive dans le succès de la toile de Jouy. Cela permet d’imprimer la toile en continu.
Oberkampf commence alors avec des motifs rouges, puis bleus. Pour créer ses motifs, il s’entoure de peintres renommés en ce XVIIIe siècle. Ainsi, Jean Baptiste Huet, peintre du Roi et grand peintre animalier conçoit les imprimés allégoriques de ces toiles. C’est d’ailleurs bien souvent ces motifs des années 1700/1800 qu’on reprend encore de nos jours.

Les motifs

Ces motifs sont de véritables tableaux, des œuvres d’art. Ils dépeignent des scènes d’inspiration mythologique ou pastorales, mettent en images des fleurs, des animaux ou des personnages qui chassent, déjeunent ou flirtent dans des décors champêtres.
Mais la toile de Jouy a également un rôle pédagogique. Certains pans de l’Histoire de France sont racontés sur ces toiles. Ainsi, certains motifs reproduisent des scènes tirées d’œuvres philosophiques ou littéraires comme les fables de La Fontaine. Ou illustrent des paysages exotiques qui mettent en scène des animaux sauvages encore inconnus en Europe. La toile de Jouy reflète profondément le bouillonnement d’idées et la frivolité de la bourgeoisie à l’époque des Lumières.
Ne dit-on pas que la toile de Jouy fut la « première bande dessinée de l’histoire » ?

Traditionnellement la toile de Jouy a des motifs monochromes. Ces motifs sont imprimés sur un fond écru ou blanc. Les couleurs sont le brun, le gris ou garance (rouge, rose, violet).

Et aujourd’hui

Aujourd’hui, la toile de Jouy se démocratise et affiche des coloris contemporains : du vert, du jaune et même du fluo !
De nos jours encore, elle inspire l’univers de la mode et de la décoration et de nouveaux imprimés voient le jour « à la manière de » la toile de Jouy. Ces tissus reprennent les principales caractéristiques des célèbres gravures d’autrefois.
Ainsi on trouvera des accessoires de décoration, des textiles, de la vaisselle, des rideaux, des coussins, des housses de couette, des têtes de lit, du papier peint, des vases,  … et même des chats « décoratifs ».
Oberkampf et son héritage ont progressivement investi toute la maison. La toile de Jouy se retrouve même dans nos jardins. Parasol, chilienne ou encore voile d’ombrage n’échappent pas à la mode. En 2020, la toile de Jouy n’a pas pris une ride !

Le Musée

Curieux ? Envie d’en savoir plus ? N’hésitez pas à vous promener, flâner, découvrir le Musée qui lui est consacré.
Le Musée de la Toile de Jouy a ouvert en 1977. Situé au château de l’Églantine à Jouy-en-Josas, sa mission est de continuer à faire vivre le patrimoine culturel et textile lié à la production de la toile de Jouy.
Ateliers, visites guidées, boutique, expositions, vous devriez pouvoir vous imprégner sans difficulté de ce patrimoine. Patrimoine qui dépasse les frontières.