Le WAX

Ce mois-ci, je poursuis ma mini-série « textile » : je vous raconte le WAX.

Avec le wax, je vous propose   un voyage temporel, culturel, historique et géographique .

L’identité du wax, qu’on appelle aussi pagne africain, est multiple et chargée de symboles.

Si aujourd’hui, le wax est associé à l’Afrique, il est cependant originaire d’Indonésie.

Il s’inspire, en effet, du batik indonésien. L’Unesco a inscrit le batik au patrimoine immatériel en 2009. A Java, on dessine les motifs avec de la cire. Ensuite on teint le tissu. Finalement, on enlève la cire à l’eau chaude. Le motif apparait. C’est donc de ce procédé ancestral que le tissu tire son nom : WAX signifie cire en anglais.

L’arrivée en Afrique

Après la seconde guerre mondiale, les Indonésiens, encore colonisés par les Anglais, se révoltent. Les Hollandais vont chercher des mercenaires dans les comptoirs d’Afrique de l’Ouest. Ces mercenaires ramènent le batik indonésien de même que son procédé de fabrication en Afrique et principalement au Ghana.

C’est ainsi que Afrique de l’Ouest adopte ce tissu lequel rencontre un véritable succès.

Au regard de la forte demande, les Hollandais et les Anglais se mettent à produire le WAX chez eux. Jusque dans les années 60, ils en auront le monopole.

La production africaine

Effectivement, c’est à cette époque que le Ghana deviendra le centre historique de l’engouement. Le président KWAME NKRUMAH met en place des droits de distribution prohibitifs et lance sa propre production. Il développe les premières usines. La Côte d’Ivoire et le Sénégal suivront et installeront leurs propres usines. Si bien que les capitales africaines du Ghana, du Sénégal mais aussi de Côte d’Ivoire et du  Nigéria rivalisent avec le WAX de Hollande. Elles proposent des tissus de qualité inférieure plus abordables mais aussi des tissus de qualité équivalente.  Mais en réalité, si ces tissus sont désormais fabriqués en majorité en Afrique, les entreprises appartiennent en grande partie aux Hollandais et Anglais.

Les Mamas Benz

Pourtant, c’est dès les années 50 que les « Mamas benz » le popularisent. Les Mamas benz sont des vendeuses togolaises. (Elles doivent leur nom de Mamas Benz en référence aux voitures allemandes qu’elles aimaient s’offrir). Ces femmes d’affaires togolaises vont œuvrer à une très large diffusion des pagnes en WAX hollandais. Elles auront un rôle vraiment important dans la population en diffusant ce tissu dans toute l’Afrique. Ces tissus, à l’origine destinés au marché indonésien trouvent un marché plus enthousiaste et deviennent importants dans la vie sociale africaine.  De toute évidence, ils symbolisent la culture et le patrimoine africain. Ils sont vecteurs d’une image de qualité et de mode. La texture est adaptée au climat tropical. Sa polyvalence, un prix abordable, une grande facilité d’entretien, la richesse des coloris et des motifs tribaux en ont fait un incontournable de la garde-robe.

La production chinoise

A partir des années 1990-2000, le « WAX made in China » concurrence les productions locales. Les bas prix génèrent une hausse de production de sorte que la Chine se met à devenir leader avec 90% du marché mondial même si la qualité n’est pas au rendez-vous. L’apprêt n’est pas durable.

Un outil de communication

A l’instar de l’Indonésie, le wax devient en Afrique un outil de communication. Ces tissus africains ou pagnes africains sont très colorés. Chaque teinte, chaque motif revêt une signification particulière. Ainsi, chaque pays et chaque circonstance à son « code » et véhicule son message. Le langage est visuel.

Finalement, ce sont les femmes, principalement, qui s’expriment au travers des motifs arborés. Par exemple, au Ghana, on porte certains motifs  exclusivement lors des enterrements. Un autre exemple est celui de « La feuille de Gombo ». Ce motif signifie que la femme qui le porte a beaucoup épargné pour se l’offrir. En clair, elle fait des efforts pour obtenir ce qu’elle veut.

On peut aussi citer l’exemple du tissu « Je sors, tu sors » représenté par un oiseau qui sort de son nid et d’un oiseau prêt à le suivre. Ici, la femme prévient : je serai aussi volage que mon mari. Un autre classique s’intitule « mon mari est capable ». L’épouse affirme ainsi être fière de son mari prospère et attentionné.

De la rue aux podiums

Dans les années 1980, au Bénin, GIZELE GOMEZ, styliste, crée des vêtements avec ce WAX. La mode est lancée. Elle conquiert les capitales de l’Afrique de l’Ouest.

Le styliste PATHE O crée des chemises en wax pour Nelson MANDELA et le Roi du Maroc.

Paris, 2015, lors de la Fashion Week, des modistes comme BURBERRY, AGNES B, STELLA MC CARTNEY présentent leurs créations sur les podiums. Les stars telles LADY GAGA, RIHANNA, ALICIA KEYS, BEYONCE s’en emparent.

Autrefois considéré comme bon marché, trop coloré, le wax était réservé aux occasions spéciales tels les mariages, enterrements ou activités culturelles. Aujourd’hui, toutes les catégories sociales portent le pagne africain  au point qu’il s’invite dans les maisons de Haute Couture et chez les créateurs.

La démocratisation du wax permet de pouvoir le trouver aisément dans plusieurs enseignes de petites et moyennes villes françaises. Libre à nous de le décliner aussi bien de façon vestimentaire qu’en objet de décoration. Et pourquoi pas en chat !

Même si on commence à trouver des « petits » coupons, on le vend généralement en 12 mètres autrement dit en pièce entière ou en 6 mètres : en demi-pièce. Les entreprises impriment les références du fabriquant, le type de tissu et son numéro d’enregistrement sur la lisière. C’est un gage de qualité et une protection contre les imitations. S’il existe différentes qualités et origines, le WAX Hollandais reste le plus renommé. VLISCO reste l’entreprise la plus célèbre. Fondée en 1846, elle réservera ses créations aux élites africaines jusque dans les années 1930 avant d’élargir progressivement sa clientèle. Son concurrent principal est le WAX anglais. Moins prisé que le wax hollandais il n’en reste pas moins un produit de luxe et haut de gamme. Ses créations sont majoritairement distribuées au Togo et au Ghana.

Quant au wax fabriqué en Afrique, il est produit pour le prêt à porter.